Les conditions de la confiance
Pour un contrat de majorité
Agir et ne pas subir. La défaite d’ampleur historique que nous venons d’encaisser nous donne une
responsabilité sans précédent. Bien plus qu’une protestation de circonstance, les Français ont
exprimé des positions très politiques et, dans leur diversité, des demandes de justice, d’efficacité
économique et d’égalité républicaine.
Depuis de longs mois, les élus locaux et les députés avaient alerté sur le fossé qui se creusait
entre la gauche au pouvoir et son électorat. Cette défaite électorale ne doit pas se transformer
en renoncement démocratique.
Au contraire, le temps du Parlement est venu. L’affirmation de la volonté politique est encore
plus à l’ordre du jour. Le dialogue avec le nouveau Gouvernement s’engage dès maintenant.
La représentation nationale doit être digne de sa mission et à la hauteur de ce moment de notre
histoire. Il lui revient de participer aux nouvelles orientations qu’exige cette nouvelle étape.
Dans ce but, il faut aller plus loin que les habitudes et les certitudes. Pour répondre
vigoureusement à l’épuisement institutionnel, nous proposons un contrat de majorité, dans la
durée.
En effet, pour restaurer la confiance avec les Français, il faut recréer aussi la confiance avec le
Parlement. Celui-ci doit apporter sa légitimité en soutien des choix que les citoyens de tous
horizons attendent de la gauche au pouvoir.
Notre première contribution au contrat de majorité privilégie les orientations ainsi rappelées :
1)Obtenir une réorientation européenne mettant fin aux politiques d’austérité qui ont enfoncé
l’Europe dans la récession. Pour cela, il faut mettre en oeuvre des trajectoires budgétaires
soutenables, compatibles avec le retour de la croissance et la baisse du chômage.
Les trajectoires budgétaires imposées aux Etats et à l’Union, sans distinguer selon la nature des
dépenses, ne sont pas des tabous. Il y a urgence à les rediscuter. La Commission doit enfin
changer de cap. L’élection européenne, le 25 mai, sera aussi l’occasion de mener ce combat.
Il n’y aura pas d’échapapatoire au déclin si les consolidations budgétaires ne sont pas
accompagnées d’investissements massifs publics et privés, soutenus par l’Union, dans les
énergies renouvelables, les transports, le numérique, la construction de logements, la recherche,
pas de consolidation budgétaire possible, et surtout pas d’échappatoire au déclin.
2) Concentrer les moyens publics sur la création réelle d’emplois et, ainsi, intensifier le
redressement productif.
Pour cela, substituer un pacte national d’investissement, négocié jusqu’au niveau des
entreprises, aux mesures les plus coûteuses et sans conditions actuellement envisagées dans le
pacte de responsabilité.
Concentrer les marges de manoeuvre de la France sur l’emploi, l’investissement, la formation,
c’est la condition de la protection des salariés contre le chômage de masse.
3) Défendre des décisions de justice et de pouvoir d’achat : des mesures en faveur des bas
salaires, la réforme fiscale et la CSG progressive, l’effort en faveur des retraites les plus
modestes, que nous avons demandés depuis des mois.
Ces améliorations de pouvoir d’achat, combinées au développement des emplois aidés non
marchands pour les jeunes et les chômeurs de longue durée, et aux investissements public,
contribueront à soutenir la demande, indispensable à la reprise économique. C’est par ailleurs la
seule façon de rendre efficace les politiques d’offre déjà mise en oeuvre.
4) Réaffirmer et amplifier les choix et les engagements de 2012 :
• Muscler les efforts de régulation des activités financières et bancaires, et leur mobilisation
pour l’investissement et les territoires. Promouvoir la responsabilité sociale et
environnementale des multinationales et leur « devoir de vigilance ».
• Rendre populaire la transition écologique : financement et avances pour les travaux de
rénovations énergétiques, co-investissements citoyens dans les énergies renouvelables,
plan de remplacement des véhicules et équipements anti-écologiques.
• Engager un mouvement de transformation de l’Etat et des collectivités locales, avec les
citoyens et les agents publics. Nous soutiendrons les économies efficaces, pas les
régressions sociales : non aux économies de dépense qui conduisent à des reculs pour la
Sécurité sociale ou à la panne de l’investissement public !
• Défendre l’égalité des territoires par un socle de droits (le « bouclier »), une relance des
économies locales, un remaillage des services publics sur deux piliers : l’éducation et la
santé.
• Pour une revitalisation exigeante de la démocratie française. Un sentiment d’abandon
exaspère aujourd’hui de nombreux Français. Ils se sentent oubliés, incompris, pas
écoutés. Pour écouter les citoyens et mobiliser la société, nous devons inventer des formes
participatives nouvelles, et lutter contre toutes les formes d’exclusion. Dans notre
République, nous sommes différents, mais tous égaux devant la loi.
Le pays ne se sent pas représenté, encore plus quand le Parlement n’est pas entendu. La
nouvelle étape doit retrouver les droits et les devoirs du Parlement. Notre majorité sera plus
soudée, si elle inaugure des manières modernes de préparer les grandes décisions et de
délibérer.
Ne laissons pas s’installer de faux clivages entre les « cigales » et les « fourmis » ; mais nous
savons aussi que jamais la France ne se redressera dans l’austérité et en laissant exploser le
chômage et les inégalités.
Nous faisons le choix d’une politique qui marche. Nous recherchons l’équilibre entre les salariés
et les entreprises et entre les efforts et la justice, pour toutes les composantes de la société.
Refusant la fuite en avant façon Sarkozy, nous choisissons l’efficacité pour mener les politiques
d’investissement, la transformation de l’Etat, l’innovation publique.
Les Français n’ont pas changé depuis le 6 mai 2012, ils sont déçus. Ils ne sont pas versatiles, ni
ralliés à l’UMP qui n’a rien d’autre à proposer que la dérégulation et l’austérité. Il est impératif
d’exprimer une vision claire et offensive du futur de la France et de son rôle en Europe.
Les Français ont le sentiment que la politique qu’ils avaient choisie n’est pas assumée. Ils nous
l’ont dit dans les urnes. Il faut maintenant passer des urnes aux choix et, pour nous, des mots aux
actes. Les temps qui viennent sont pour tous, et pour chacun d’entre nous, une épreuve de vérité.