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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 20:30
Pacte de responsabilité : sortons de la connivence malsaine entre l'Etat et le Medef!

Le Monde.fr | 06.03.2014 à 11h49 |Par Yannick Jadot (député européen Europe Ecologie-Les Verts)


 

C’est avec la CGT que Jean-Marc Ayrault a ouvert, lundi 27 janvier, sa concertation sur le pacte de responsabilité.

 

Avec son pacte de responsabilité, François Hollande espère relancer l'économie et réconcilier les Français avec l'entreprise. Mais comment imaginer qu'une solution au chômage massif et à l'atonie économique émerge du dialogue de sourds entre le patron des patrons et le ministre du redressement productif ?

Le premier a promis un million d'emplois en contrepartie des 30 milliards d'allègement de charges, quand le second lui en réclame deux millions. Lapolitique se réduirait-elle désormais à « acheter » des emplois au patronat ? Pourréussir, un tel pacte ne devra pas seulement sortir de la seule logique austéritaire, il devra rompre radicalement avec des décennies de cogestion de l'économie en vase-clos par l'Etat et le Medef, cette caricature du jacobinisme et du colbertisme français qui contribuent largement à la crise que nous traversons.

L'après-guerre a certes été marqué par un Etat très fort, gérant la recherche, la production et la demande, choisissant la technologie, créant des groupes industriels dédiés, achetant la production. Ainsi ont émergé des « champions » industriels : EDFArevaAlstom, Dassault, Elf-Total... Ils sont depuis les interlocuteurs privilégiés de l'Etat, et ont table ouverte dans tous les ministères comme à l'Elysée. La violence de la désindustrialisation de notre pays démontre cependant combien ce modèle est à bout de souffle.

Car certains de ceux qui furent nos champions nationaux sont devenus cette oligarchie prédatrice, jalouse de sa rente industrielle dont elle gère la pérennité avec l'Etat. Créés ou soutenus au nom de l'intérêt général, ils sont désormais les meilleurs défenseurs du statu quo.

SANS CONDITIONNALITÉS SOCIALES OU ENVIRONNEMENTALES

Ainsi l'Etat soutient-il pour près de 10 milliards d'euros PSA et Renault, sans conditionnalités sociales ou environnementales, sans questionner les choix industriels ou les délocalisations.

L'obsession du diesel coûte 7 milliards d'euros de cadeaux fiscaux, 16 milliards d'importations et tue 16000 personnes par an ? Surtout ne changeons rien, nous dit-on, même si notre industrie s'effondre quand Toyota et ses véhicules hybrides obtient des résultats historiques !

Les groupes agro-indutriels bretons s'écroulent malgré les subventions publiques, la pratique sans vergogne du dumping social et environnemental et des productions bas de gamme ? Le gouvernement remet des centaines de millions d'euros dans cette machine infernale sans imposer un changement radical vers plus de valeur ajoutée, continuant d'ignorer ces acteurs de l'élevage et de l'agro-alimentaire qui ont fait le choix de la durabilité et de la qualité attendue par les consommateurs.

Au finale, l'Etat continue de ne s'adresser qu'aux patrons des grands groupes industriels, renforçant l'idée que leur représentant, le MEDEF, est la seule et véritable Première Dame de France.

Il n'y a pas de fatalité à ce que la France subisse cette double délocalisation : celle des activités traditionnelles et celle du potentiel non exploité dans les secteurs d'avenir. Il faut pour cela sortir d'une vision strictement nationale et étatique,envisager l'Europe comme horizon nécessaire pour l'économie française, donnerenfin la priorité absolue aux PME.

INVESTISSONS MASSIVEMENT DANS L'ÉDUCATION ET LA FORMATION

Quel meilleur moyen de réconcilier les Français avec l'entreprise que deréconcilier celle-ci avec ses salariés ? L'Allemagne et les pays du Nord de l'Europe démontrent combien la performance des entreprises dépend de la place qu'elles réservent à leurs salariés. Investissons massivement dans l'éducation et la formation, augmentons jusqu'à 50% la représentation des salariés dans les conseils d'administration, afin qu'ils deviennent acteurs du changement et non plus variables d'ajustement !

Quel meilleur moyen de moderniser le rôle de l'Etat qu'en cessant d'en faire un pompier équipé d'un saut d'eau ? L'Etat doit intervenir en stratège aux côtés de ses partenaires européens. Dans les secteurs traditionnels comme la sidérurgie, il achète du temps à Mittal pour retarder l'inéluctable, mais oublie de s'allier à ses voisins pour le contraindre à réorienter sa production vers l'éolien et les aciers légers, ces secteurs à haute valeur ajoutée, sobres en énergie et carbone et sources d'emplois !

Quel meilleur moyen de soutenir l'offre qu'en l'orientant sur les secteurs stratégiques d'avenir ? Sortons de l'obsession nucléaire et de la diversion des gaz de schiste pour nous tourner résolument vers les emplois et les PME créés dans les économies d'énergie et des renouvelables.

Choisissons le bâtiment, la chimie verte, l'agro-écologie, le recyclage et lesservices de proximité qui permettent en même temps de lutter contre les précarités dans le logement, l'alimentation, l'énergie, la santé, l'éducation, laculture. Donnons nous les moyens de construire les champions de demain grâce à une politique industrielle européenne.

PRIORITÉ ABSOLUE

Quel meilleur moyen enfin de dynamiser le tissu économique qu'en donnant la priorité absolue aux entreprises petites, moyennes, de taille intermédiaire et issues de l'économie sociale et solidaire ? En Allemagne ou en Italie du Nord elles forment le cœur de l'économie.

Ce sont elles qui développeront les innovations technologiques et sociales de demain, créeront la majorité des emplois, aménageront nos territoires, et redonneront du sens au travail et à la production. A l'instar des Etats-Unis, défendons à l'échelle européenne l'accès privilégié des PME locales aux marchés publics.

Notre fiscalité nationale n'est ni efficace économiquement, ni juste socialement, ni protectrice de l'environnement. Comment justifier que les grands groupes paient moins de 10% d'impôts quand les PME et TPE s'acquittent, elles, de 22% et 33% ? Commençons par inverser la progressivité de l'impôt sur les sociétés. L'évasion fiscale en Europe nous coûte 1000 milliards d'euros par an ? Engageons la convergence fiscale dans l'Union en fixant un taux minimal d'impôtssur les sociétés de 25%.

La vieille complicité de l'Etat avec le Medef nous enfonce chaque jour un peu plus dans l'impasse. Elle nourrit la défiance des citoyens envers le système politique et économique. Elle empêche l'émergence d'une démocratie sociale équilibrée et responsable. Elle nous éloigne de la reconquête de notre souveraineté économique par l'Europe. Elle broie les énergies vitales de la société. C'est le moment d'y mettre fin.

 

 

  • Yannick Jadot (député européen Europe Ecologie-Les Verts) 
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