COMMUNIQUE CRIIRAD
23 mars 2011 - 17h
COLERE ET INDIGNATION – VOLET N°1
Les chiffres relatifs à la contamination de l’air existent mais ils sont confisqués par les Etats !
La publication des données du réseau CTBTO
1 ainsi que des installations nucléaires nord américaines nous aurait renseigné précisément sur les niveaux de contamination de l’air et
nous aurait permis d’évaluer de façon fiable les niveaux de risque bien avant que les masses d’air contaminé n’arrivent sur l’Europe.
La CRIIRAD lance un appel international, invitant citoyens, associations, scientifiques, élus … de tous pays à se mobiliser à
ses côtés afin d’exiger que les résultats relatifs à la contamination radioactive de l’air, obtenus grâce à l’argent public, soient mis à disposition du public ET SERVENT A SA PROTECTION.
Pas de données interprétables pour l’Amérique du nord !
Plus de 10 jours après le début des rejets radioactifs, les masses d’air contaminé ont
traversé des pays aussi étendus que les Etats-Unis et le
Canada , des pays qui disposent d’équipements performants, leur permettant
d’évaluer précisément l’activité volumique 2 de chacun des radionucléides présents, en tout cas des plus problématiques d’un point de vue
sanitaire. Or, en dépit des recherches conduites depuis plusieurs jours, la CRIIRAD n’a trouvé aucun chiffre sur la contamination de l’air . Ne sont accessibles que des résultats sur les débits de dose ou les taux d’émissions de rayonnements bêta et gamma, qui ne permettent pas d’évaluer le
niveau de risque. Ils ne permettent d’ailleurs même pas d’établir une relation certaine entre l’élévation des valeurs et le passage des masses d’air contaminé .
La CRIIRAD va adresser, aux ambassades de ces deux pays, des demandes officielles pour
que soient publiés dans les meilleurs délais les résultats que détiennent forcément les exploitants d’installations nucléaires, qu’elles soient civiles ou militaires.
Précisons à cet égard que les balises de l’IRSN implantées à
Saint-Pierre et Miquelon, en Martinique et en Guadeloupe ne mesurent que le niveau de rayonnement (les débits de dose exprimés en
μSv/h). Ces résultats ne permettent pas d’évaluer les
risques.
Black-out international
A la recherche de stations de mesures intermédiaires entre le Japon et la France, le
laboratoire de la CRIIRAD s’est tourné vers le réseau mis en place par l’Organisation du Traité d’Interdiction Complète des Essais nucléaires (OTICE) 1 . 1 Le
CTBTO
Il s’agit de stations de mesure réparties sur l’ensemble de la planète et qui
enregistrent divers paramètresa fin de contrôler qu’aucun essai nucléaire souterrain n’est effectué en violation des dispositions du traité (cf. Corée du Nord). Elles mesurent plusieurs
paramètres : données sismiques, hydroacoustiques, infrasoniques et radionucléides. Une soixantaine de stations sont équipées de laboratoires d’analyses radiologiques (voir carte ci-dessous).
Elles sont capables de mesurer de très faibles niveaux de contamination dans l’air car l’une de leurs missions est de mesurer la contamination consécutive aux essais nucléaires
atmosphériques.
Ces laboratoires disposent de systèmes de détection de la radioactivité parfaitement adaptés à l’identification et à la quantification des produits radioactifs
présents dans les masses d’air contaminé par les rejets radioactifs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.
Le samedi 19 mars, la CRIIRAD adressait donc une demande de communication de résultats à
Mme THUNBORG, responsable de l’information publique à l’OTICE. Elle nous répondait le lendemain soir qu’elle transmettait notre demande à la division en charge de la sécurité des
données 3 . Le lundi, faute de réponse, la CRIIRAD réitérait sa demande en insistant sur l’urgence de la
situation et en précisant que faute de réponse rapideelle dénoncerait publiquement la situation. Mme THUNBORG nous conseillait par retour de nous adresser aux autorités françaises et, soucieuse
de nous aider, nous orientait vers des articles où des institutions autrichiennes, suédoises ou allemandes qui ont accès aux données avaient laissé filtrer quelques résultats.
Nous obtenions ainsi quelques données mais trop parcellaires et impossible à corréler
dans l’espace et dans le temps. Deux heures plus tard, un courriel de M. SCOTTI 4 , nous indiquait que « Les
données collectées par le réseau des stations du STP ne peuvent être communiquées qu'aux correspondants (centres de données nationaux) désignés par les Etats Signataires du TICE. Pour la France,
l'organisme destinataire de ces données est le Commissariat à l'Energie
Atomique ». Le responsable du laboratoire de la CRIIRAD s’adressait
le jour même au CEA :
« Je vous serais reconnaissant de m’indiquer comment la CRIIRAD peut avoir accès, dans
les meilleurs délais, aux données collectées par les stations de surveillance du réseau de l'OTICE, en particulier en ce qui concerne les radionucléides (notamment Cs137 et I131, Sr 90, gaz
rares, tritium, transuraniens). Il s’agit pour nous d’affiner les prévisions concernant
l’impact des rejets du site de Fukushima et de répondre aux inquiétudes du public français. » La réponse nous parvenait le lendemain en milieu de journée : aucune donnée ne nous sera communiquée.
Le réseau international de mesure obéit à des règles de confidentialité définies
strictement par les Etats membres du traité d’Interdiction Complète des Essais. « Les données sont donc uniquement transmises à des points de contact nationaux nommés par les Etats qui en font une analyse dans l'objectif du Traité, à savoir détecter tout essai nucléaire qui aurait
été mené en contradiction avec l'engagement des États ayant ratifié le TICE. ». Pour la France, il s’agit du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA), organisme en charge dud éveloppement des activités nucléaires militaires et
civiles.
La réponse indiquait en outre que « Suite à l'accident de Fukushima, à la demande des États signataires du TICE, les données sur
l’activité des radionucléides sont transmises à l'Agence Internationale de l'Energie Atomique (AIEA) et à l'Organisation Mondiale
de la Santé (OMS ). Les équipes de ces deux organisations en charge des aspects sûreté et radioprotection peuvent
ainsi les utiliser en complément de l'ensemble des données fournies par les États, pour établir les évaluations nécessaires à la protection des personnes susceptibles d'être concernées par les
retombées de l'accident ».
Or, ni l’AIEA, ni l’OMS n’ont rendu publics ces résultats ll faut dire que l’AIEA a en
charge la
promotion des activités nucléaires civiles (voir statuts)5 et que l’OMS qui est normalement en charge de la santé publique a signé avec l’AIEA, dès 1959, un accord qui dispose que les deux
agences « agiront en Coopération étroite et se consulteront régilièrement ".
BILAN : depuis plus de 10 jours, la centrale nucléaire de FUKUSHIMA DAIICHI rejette des produits radioactifs dans l’atmosphère : ces rejets ne sont ni maîtrisés ni quantifiés. Dans le même
temps des stations de mesures réparties sur l’ensemble de notre planète enregistrent les niveaux de radioactivité de l’air et suivent pas à pas l’évolution de la radioactivité dans l’espace et
dans le temps… mais veillent jalousement à ce que ces données restent secrètes.
Cette situation est choquante en temps normal, totalement inacceptable en situation d’urgence radiologique. Et d’autant plus inacceptable que ce réseau de mesure est financép ar l’argent public
!
Les Etats cotisent en effet à hauteur de 55 700 000 € pour faire fonctionner les stations de mesure. Les citoyens américains respirent depuis le 17 mars dernier les particules radioactives
rejetées par les réacteurs nucléaires et les piscines de stockage de combustible irradié de la centrale de FUKUSHIMA DAIICHI. Premiers contributeurs au budget du réseau, ils apprécieront de
n’avoir strictement aucune donnée en contrepartie de leurs 12 millions d’euros. Un sacré marché de dupes. A noter qu’avec un versement de 3 600 000 €, les Français ne sont pas mieux lotis.
La CRIIRRAD reçoit des centaines d'appels de personnes inquiètes de la contamination de l'air qu’elles respirent, inquiètes pour elles-mêmes et surtout pour leurs enfants. Elle aimerait informer
correctement, et si possible rassurer, mais sur des bases solides, tous ses correspondants, qu’ils habitent le Finistère, la Martinique ou la Corée du Sud. Elle invite chaque citoyen,
chaque association, chaque scientifique, chaque élus… à se mobiliser pour obtenir la levée du secret sur les niveaux de contamination de l’air. Une pétition sera prochainement mise en ligne pour
collecter des signatures sur la France mais chacun peut d’ores-et déjà relayer la mobilisation à l’étranger et intervenir auprès des autorités de son pays pour dénoncer la situation.
.
–Comprehensive Nuclear-Test-Ban Treaty Organisation – est une organisation mise en place dans le cadre
du
traité d’interdiction totale des essais nucléaires (TICE en français), accord multilatéral ouvert à la
signature le 24 septembre 1996
www.ctbto.org 2 L’activité volumique s’exprime en
becquerels par mètre cube d’air (notée Bq/m3 ). Elle renseigne sur le nombre de désintégrations qui se produisent par unité de temps et de volume. Une valeur de 15 Bq/m3 signifie que dans un mètre cube d’air, à
chaque seconde, 15 noyaux d’atomes radioactifs se désintègrent en émettant des rayonnements ionisants. Cette valeur décroît en fonction de la période radioactive du radionucléide considéré. La
période correspond au temps au bout duquel l’activité est divisée par 2 : 8 jours pour l’iode 131 ; 30 ans pour le césium 137 ; 2 ans pour le césium 1
Article 2 des statuts de l’AIEA :
« L’Agence s’efforce de hâter et d’accroître la contribution de l’énergie atomique à la paix, la santé et la prospérité dans le monde entier. Elle s’assure, dans la mesure de ses moyens, que
l’aide fournie par elle-même ou à sa demande ou sous sa direction ou sous son contrôle n’est pas utilisée de manière à servir à des fins militaires. »
M. Lucien SCOTTI, Conseiller, Représentation Permanente de la France auprès des Nations Unies et des
Organisations